Les fondements d’une justice tournée vers l’éducation
Depuis l’ordonnance du 2 février 1945, la justice pénale des mineurs repose sur une idée forte : l’enfant ou l’adolescent qui commet une infraction doit avant tout être éduqué plutôt que puni. Cette philosophie se traduit par l’existence de juridictions spécialisées, par le rôle essentiel du juge des enfants et par l’application de l’excuse de minorité, qui permet d’atténuer les peines prononcées. Le mineur n’est pas considéré comme un adulte miniature mais comme une personnalité en devenir, encore fragile, dont l’évolution doit primer sur la sanction.
Le tournant répressif des réformes récentes
Au fil des années, et sous la pression d’une demande sociale de fermeté, les textes ont progressivement modifié cet équilibre. Le Code de la justice pénale des mineurs, entré en vigueur en 2021, illustre ce basculement. Présenté comme une modernisation, il vise à accélérer le traitement des dossiers en organisant une audience de culpabilité rapide suivie d’une audience de sanction dans un délai court. La logique éducative qui nécessitait du temps et un suivi continu laisse ainsi la place à une procédure plus répressive, davantage centrée sur la réponse pénale immédiate.
La remise en cause de l’excuse de minorité
L’excuse de minorité, qui a longtemps constitué une garantie fondamentale, tend également à s’effriter. Pour les mineurs de plus de seize ans, les juridictions peuvent désormais l’écarter dans certains cas graves. Cette possibilité rapproche le régime applicable des règles de droit commun et marque une rupture avec l’idée que la jeunesse justifie une atténuation systématique de la sanction. La justice des mineurs s’oriente de plus en plus vers une assimilation au traitement réservé aux majeurs.
Les risques d’une justice trop répressive
Cette évolution n’est pas sans conséquence. En réduisant l’espace de l’éducation, la justice des mineurs perd une partie de son sens. L’incarcération précoce, loin de protéger la société, peut renforcer les difficultés d’insertion et accroître le risque de récidive. La justice pénale devient alors un facteur aggravant plutôt qu’un outil de reconstruction. Or, la vocation de cette justice spécialisée est de redonner une chance aux jeunes, de les réintégrer dans la société et d’éviter qu’ils ne s’enfoncent dans la délinquance.
La justice pénale des mineurs traverse aujourd’hui une tension entre sa vocation originelle et les attentes sécuritaires de la société. L’éducatif cède progressivement la place au répressif, au risque de compromettre l’avenir des adolescents concernés. Il demeure essentiel de rappeler que le mineur n’est pas un adulte en réduction, mais un individu en devenir qui doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement adapté. Préserver l’esprit de 1945, c’est investir dans la protection de la jeunesse et dans la sécurité de demain.